Issue de l'École supérieure des Beaux-Arts de Marseille, Anita Molinero compose, pendant ses années punk, ses premières sculptures en faisant se rencontrer des objets et des matériaux de récupération.
« Pendant mes études aux Beaux-Arts, je peignais, mais je n'étais pas très douée pour la sculpture et la technique. Je me suis alors dit que l'inconnu de l'art devait certainement passer par la confrontation à celles-ci. C'était un petit manifeste très privé, fait de négations, portant sur les conditions que l'on se donne pour arriver à faire quelque chose qui soit suffisamment nouveau et devienne un jour une création. (...) J'ai fait alors des montages de petits cartons que je vernissais après coup avec de la colle à papier peint puis que je montais sur n'importe quoi ou encore des sacs poubelles que je remplissais de plâtre et que je travaillais avec une gouge à bois ».
Elle choisit ensuite d'apporter aux formes la puissance de l'irréversibilité du geste et pour cela adopte le plastique et une série de matériaux toxiques qu'elle coupe, brûle, lacère, sculpte.
«(...)Depuis 1995, j'adore travailler le polystyrène qui me rappelle des matériaux pérennes comme le bronze car tu ne t'en débarrasses pas. (...) J'arrête avant l'informe et parfois la pièce est terminée avant d'être commencée. La sculpture doit rester forme et ne pas aller dans l'informe ».
Déjà en 1994 elle participait au côté de Franck Stella, John Chamberlain, Robert Grosvenor, Carel Visser et Nancy Rubins à l'exposition Country sculpture au Consortium de Dijon.
Le FRAC Limousin en 2002, le MAMCO à Genève en 2006, le FRAC Alsace, le FRAC Haute Normandie en 2009, le Consortium de Dijon en 2014 et récemment le Museo Ettore Fico à Turin lui ont consacré des expositions personnelles.
En 2008 elle expose à côté de Cady Noland, Steven Parrino et Kelley Walker au Centre d'Art Contemporain Le Spot, au Havre. En 2012, elle a été choisie pour créer la
station de la porte de la Villette sur la ligne 3b du tramway d'Île-de-France.
En avril 2015 elle obtient le prix résidence de la Fondation Salomon à New York.
Ses oeuvres font partie d'importantes collections publiques.
Anita Molinero
Née en 1953 à Floirac
Vit et travaille à Paris
EXPOSITIONS PERSONNELLES
2022
Anita Molinero, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, Paris
2021
RECYCLAGE-SURCYCLAGE, Carte blanche, Espace Monte Cristo, Paris
Siment se la coule douce, Centre d’Art Bastille, Grenoble
2020
Impromtue, La gare / le quai 294m9, Saint-Maurice-lès-Chateauneuf, France
2019
L'Ilot Rouge, Musée des Beaux-Arts de La Chaux-de-Fonds, La Chaux-de-Fonds, Suisse
Les Zipettes, 19 Crac, Montbéliard, France
2018
#7 clous à Marseille chez Patrick Raynaud, Marseille, France
Bouche-moi ce trou, fille de la nuit, Palais de Tokyo, Paris
2017
Des ongles noirs sous le vernis, Musée de l'Abbaye Sainte-Croix, Les Sables d'Olonne
La Grosse Bleue, Galerie Thomas Bernard - Cortex Athletico, Paris
2016
Plus flamme que moi, Galerie Valérie Bach, Bruxelles
2015
FIAC, Hors les murs, Jardin des Tuileries, Galerie Thomas Bernard - Cortex Athletico, Paris
Plastic Butcher, Signal, New York
Le Bayou, Galerie Thomas Bernard / Cortex Athletico, Paris
Anita Molinero, Museo Ettore Fico, Turin
2014
Oreo 2, Galerie Alain Gutharc, Paris
Oreo, Le Consortium, Dijon
2013
Tarmac, le 180, Rouen
FIAC, Galerie Alain Gutharc, Grand Palais, Paris
Hallali, Galerie Michel Journiac, Paris
2012
La fiancée du pirate, Galerie Alain Gutharc, Paris
Prequel, Cycle Eternel Détour, MAMCO, Genève
Centre d'Art Contemporain Passages, Troyes
2011
L'irremplaçable expérience de l'explosion de Smobby, La Galerie Edouard Manet, Gennevilliers
2009
Ultime caillou, FRAC Alsace, Sélestat
Galerie Alain Gutharc, Paris
FRAC Basse-Normandie, Caen
2007
Pépertinence, La Suite, Château-Thierry
Cocoerrance, la BF15, Lyon
Nucléo, Galerie Alain Gutharc, Paris
Chuuut, écouuute, la croûûûte, Le Carré, Chapelle du Genêteil, Château-Gontier
2006
Extrusoït, Cycle Mille et trois plateaux, MAMCO, Genève
L'ormeau blessé, Musée Zadkine, Les Arques
2005
Les Ateliers d'artistes de la Ville de Marseille
2004
FIAC, Galerie Dediby, Paris
2003
Le Grand Café, St-Nazaire
Le Parvis, Centre d'art contemporain, Tarbes
2002
FRAC Limousin, Limoges
2001
Le Spot, Centre d'Art Contemporain, Le Havre
2000
Galerie du Triangle, Bordeaux
1995
Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, Paris
1994
Ecole Nationale des Beaux-Arts, Dijon
1993
Chapelle des Lazaristes, Centre de Création Contemporaine, Tours
1988
Ecole municipale d'Arts Plastiques, Châtellerault
1985
Musée Sainte-Croix, Poitiers
1980
Galerie Med a Mothi, Montpellier
EXPOSITIONS COLLECTIVES
2019
Futur, Ancien, Fugitif, Palais de Tokyo, Paris
Masterpieces 2, Galerie Thomas Bernard / Cortex Athletico, Paris
Masterpieces, Galerie Thomas Bernard - Cortex Athletico, Paris
Brûler, dirent-elles, Galerie Duchamp, Yvetot, France
Vole au vent, FRAC Basse-Normandie, Caen
Gigantisme, Art et Industrie, Frac Grand Large, Dunkerque, France
2018
Sculpter (faire l'atelier), La Criée, Beaux-Arts, FRAC Bretagne, Rennes
2017
Voyage d'hiver, Château de Versailles, France
FIAC, Galerie Thomas Bernard - Cortex Athletico, Grand Palais, Paris, France
Notes for a shell, avec Tiago de Abreu Pinto, ART-O-RAMA, Marseille, France
Echelle de familiarité, Chapelle Saint-Libéral, Brive-la-Gaillarde, France
Archinature, Piacé, Le Radieux - Bézard, Le Corbusier, Piacé, France
Agora, collectif 2a1, Galerie R-2, Paris, France
2016
Run, Run, Run, Villa Arson, Nice
Dopo i frutti, Entrepôts Armand Fabre, Marseille
The Past is the Past, Galerie Thomas Bernard - Cortex Athletico, Paris
Non figuratif : un regain d'intérêt ?, Abbaye Saint André, Centre d'art contemporain, Meymac
Your memories are our future, Palais de Tokyo, Zurich
Not really really, Frédéric de Goldschmidt Collection, Bruxelles
2015
Anatomie de l'automate, La Panacée, Montpellier
Résistance des Matériaux, LE-SHED, Notre-Dame-de-Bondeville
Genre Humain, Palais Jacques-Coeur, Bourges, France
Sèvres Outdoors, Cité de la céramique, Sèvres
FOMO, Sextant et plus, La Friche la Belle de Mai, Marseille
Dérive(s), commissariat de Romain Dauriac, Bryce Wolkowitz Gallery, New York
2014
Summer time, Galerie Alain Gutharc, Paris
6 weeks-ends d'art contemporain, Le mètre carré, Nancy
Vitrines sur l'art, proposition du Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, vitrines des Galeries Lafayette, Paris
Entrée en matière, Chambon Sur Voueize
L'heure des sorcières, commissariat : Anna Colin, Centre d'Art Contemporain le Quartier, Quimper
2013
De leur temps (4) - Regards croisés de 100 collectionneurs sur la création, Centre d'Art le Hangar à Bananes, Nantes
Je préfère être dérangé, Ecole du Magasin et ESAD, Grenoble
Collage ou l'âge de la colle, Galerie Eva Meyer, Paris
Mon île de Montmajour, commissariat : Christian Lacroix, Abbaye de Montmajour, Arles
Agir dans ce paysage, Centre International d'Art et du Paysage, Ile de Vassivière, Beaumont du Lac
Pièces d'été, Malbuisson
Open sky Museum - Musée à ciel ouvert, un projet d'Eden Morfaux, Plaine de Tougas, Saint-Herblain
In situ 2013 - Patrimoine et Art Contemporain, Eglise Saint-Etienne d'Issensac, Brissac
L'arbre de vie, commissariat : Gaël Charbau et Alain Berland, Collège des Bernardins, Paris
Retour du monde - commandes publiques autour du tramway de Paris, MAMCO, Genève
Fondre, battre, briser, Pavillon Blanc, Centre d'art contemporain, Colomiers
Les artistes et le tramway de Paris, Hôtel de Ville, Paris
2012
Pommery : 10 ans d'expériences, commissariat : Bernard Blistène, Domaine Pommery, Reims
Group Show, Galerie Alain Gutharc, Paris
L'Amour du risque / Ljubav prema riziku, Collections des Fonds Régionaux d\'Art Contemporain, Musée d'Art Contemporain / MSU Zagreb, Zagreb
Parcours de mémoire, FRAC Franche-Comté/ La Fraternelle, Saint Claude
Immanence accueille AnyWhere Gallery, Galerie Imanence, Paris
A suivre..., oeuvres du Fonds Municipal d'Art Contemporain de la Ville de Gennevilliers, Ecole Municipale des Beaux-arts, Galerie Edouard Manet, Gennevilliers
2011
Pearls of the North, Palais d\'Iéna, Paris
Hic sunt Leones, Terra incognita, oeuvres du FRAC Franche-Comté, Musée des Beaux-arts, Belfort
Identité et Genre, commissaire : Camille, Centre d'Art Contemporain Passages, Troyes et Slick, Paris
Sculpture'Elles - les sculpteurs femmes du XVIIème siècle à nos jours, Musée des années 30, Boulogne Billancourt
Formules, avec Juliana Borinski, Institut de Sciences de Matériaux, exposition organisée par la Kunsthalle Mulhouse Centre d'Art Contemporain La Fonderie, Mulhouse
Paillettes, prothèses, poubelles, commissaire : Ramon Tio Bellido, exposition avec Nina Childress et Emmanuelle Villard, Fondacion Bancaja, Castellon
2010
Parking de sculptures, Centre d'Art Contemporain Le Confort Moderne, Poitiers
Rendez-vous à Shanghai, Biennale de Shanghai, Espace de l'Institut des Peintres et Sculpteurs de Shanghai, Shanghai
FIAC, Cour Carrée du Louvre, Galerie Alain Gutharc, Paris
Aires de jeux, contre-emplacements, Micro Onde CAC de l'Onde, Vélizy-Villacoublay
La Quinzaine Radieuse, Piacé le Radieux, Bézard Le Corbusier 777 (4), Château de Kerpaul
Extension du domaine de la réalité, Ecole des Beaux-arts, Rennes
Chassé croisé, FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier
Buy-Sellf : retour vers le futur, CAPC, Entrepôt Lainé, Bordeaux
2009
FIAC, Cour Carrée du Louvre, Galerie Alain Gutharc, Paris
A nous deux, exposition organisée par le FRAC Basse-Normandie, Caen et l'Abbaye-aux-Dames
Mes Dalton, Centre d'Art Contemporain La Chapelle du Genêteil, Château-Gontier
Rendez-vous manqué, Galerie Alain Gutharc, Paris
Volta5, Galerie Alain Gutharc, Bâle
Les plus grands artistes du XXème arrondissement de Paris, Galerie Sémiose, Paris
La Force de l'Art 02, Grand Palais, Paris
2008
Anita Molinero / Cady Noland / Steven Parrino / Kelley Walker, Centre d'Art Contemporain Le Spot, Le Havre
FIAC, Galerie Alain Gutharc, Paris
Curiosität, commissariat : François Curlet, Galerie Micheline Szwajcer, Anvers
La dégelée Rabelais, FRAC Languedoc-Roussillon, Site du Pont du Gard
Downtown le Havre, Biennale d'art contemporain 'Arts le Havre 08', Le Havre
Art Brussels, Galerie Alain Gutharc, Bruxelles
Propositions lumineuses 2, Galerie Alain Gutharc, Paris
2007
Capricci (possibilités d'autres mondes), Casino Luxembourg, Luxembourg
XS, Espace Mica, Rennes, commissaire Elisabeth Wetterwald
FIAC, Galerie Alain Gutharc, Paris
Quartier général, Digne-les-Bains
Made in Dole, Musée des Beaux-arts de Dole
La maison populaire, Montreuil
Modern©ité, Stroom, La Haye
Chauffe Marcel, FRAC Languedoc-Roussillon
2005
Know what they mean?, Chez Valentin, Paris
FIAC, Galerie Alain Gutharc, Paris
2004
El arte como va el arte como viene, Circulo de Bellas Artes, Madrid
Les pièges de l'amour, FRAC Limousin, Limoges
Bienvenue à Entropia, Centre National d'Art et du Paysage, Vassivière-en-Limousin
2002
Love trap's, Centre d'art, Sigean
2000
Une suite décorative : 3ème mouvement, FRAC Limousin, Limoges
Une suite décorative : 2ème mouvement, FRAC Limousin, Limoges
1999
Les états de la sculpture, Le 19, centre Régional d'Art Contemporain, Montbéliard
1998
Appartement privé, Bordeaux
1996
Triple Axel, Le Gymnase, Roubaix
L\'art du plastique, Ensb-a, Paris
1994
Country Sculptures, le Consortium, Dijon
1992
Foire de Bolzano
1981
Alkema, Pontoreau,Ponchelet, Molinero, CAPC, Musée d'art Contemporain, Bordeaux
1978
Université du Mirail, Toulouse
PROJETS DANS L'ESPACE PUBLIC
2011
Conception avec UrbanAct (Alexandre Bouton) de la station de Tram 3 de Porte de la Villette, Paris
PRIX
2015
Salomon Foundation Residency Award
ENSEIGNEMENT
1999-2014
Enseignante à l'Ecole Supérieure des Beaux-arts de Marseille
1994
Artiste chargée d'enseignement, Université de Bogota, Colombie
1993
Résidence École Nationale des Beaux-Arts, Dijon
1993-92
Professeur invité, chargée d'enseignement, Ensba, Paris
BOURSE
1990
Bourse du Fiacre, séjour d'un an à Séville, Espagne
BIBLIOGRAPHIE
2018
Sculpter (faire l'atelier), La Criée, Beaux-Arts, Rennes
2005
Anita Molinero, Yves Michaud : "Anita Molinero"
Brice Matthieussent : "Sans titre. À propos de la sculpture d'Anita Molinero"
Xavier Douroux : "Sans désignation fixe ou la délocalisation de la sculpture formelle"
Anita Molinero : "Comment le nom commun « sculpture » devient un nom plus sale que propre. En réponse à un extrait du texte de Xavier Douroux"
Sophie Legrandjacques : "Entretien avec Anita Molinero", co-éditions : FRAC Limousin (Limoges) ; le Grand Café, centre d'art contemporain de Saint-Nazaire ; Le Spot, centre d'art contemporain Le Havre et le Parvis, centre d'art contemporain Ibos.
Anita Molinero, Philippe Eon : "Flux tendu ou options de stock", in catalogue Les Ateliers d\'artistes de la ville de Marseille, 2005
1998
Les Marges de la vision, textes critiques 1971 -1995, Yves Michaud : "Anita Molinero", Editions Jacqueline Chambon, Nimes, 1998, p.203
1995
Catalogue de l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, Paris, Anita Molinero, Ramon Tio Bellido : "eau de javel", 1995
Collection XXème : 1983-1995. Douze ans d'acquisitions d'art contemporain en Poitou-Charentes, Blandine Chavanne : "Anita Molinero", Angoulème : FRAC Poitou-Charentes, 1995, p.145
1994
Catalogue de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts, Anita Molinero : "sculptures", Xavier Douroux et Franck Gautherot : "Sans désignation fixe", Dijon, 1994
COLLECTIONS
Fonds Cantonal d'Art Contemporain, Genève, Suisse
Fonds Municipal d'Art Contemporain de la Ville de Gennevilliers
Fonds Municipal d'Art Contemporain de la Ville de Paris
Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris
FRAC Alsace
FRAC Languedoc-Roussillon
Fonds National d'Art Contemporain
FRAC Basse-Normandie
Frac Bretagne
FRAC Limousin
FRAC Franche-Comté
FRAC Poitou-Charentes
Musée Sainte-Croix, Poitiers
La Piscine, Musée d'Art et d'Industrie, Roubaix
Le Consortium, Dijon
MAMCO, Genève, Suisse
Anita Molinero : un manifeste privé
Entretien réalisé par Alain Berland et Valérie Da Costa
Paru dans Particules n°22, Décembre 2008 / Janvier 2009
Eviter la virtuosité, la facilité ou encore le commentaire, voilà le programme très peu commun que s'est fixé dès le début de son travail Anita Molinero. Un projet qu'elle mène avec obstination depuis trente ans pour construire une oeuvre qui n'a pas d'aquivalent sur la scène artistique française.
"Pendant mes études aux Beaux-Arts, je peignais, mais je n'étais pas très douée pour la sculpture et la technique. Je me suis alors dit que l'inconnu de l'art devait certainement passer par la confrontation à celles-ci. C'était un petit manifeste très privé, fait de négations, portant sur les conditions que l'on se donne pour arriver à faire quelque chose qui soit suffisamment nouveau et devienne un jour une création. Je ne voyais pas comment faire autrement au début des années 80, une période où l'on était envahi par l'art conceptuel du genre « trois écritures au crayon sur un mur ». Une forme d'art qui se présentait comme impersonnelle, mais que je trouvais paradoxalement très narcissique. Je voulais faire le contraire des conceptuels : prendre des outils sans savoir à quoi ils servent tout en les utilisant avec précision. J'ai fait alors des montages de petits cartons que je vernissais après coup avec de la colle à papier peint puis que je montais sur n'importe quoi ou encore des sacs poubelles que je remplissais de plâtre et que je travaillais avec une gouge à bois. Je me rappelle qu'à l'époque les conditions artistiques étaient aussi celles de la post-modernité, de la défaite des idoles. Moi, je ne croyais pas à la forme, ni à son contraire, c'est-à-dire à la culture du message. J'ai rapidement trouvé des relais auprès d'Yves Michaux qui m'a fait connaître David Hammons. Mais ce dernier avait une culture de la minorité que je n'avais pas, sauf si on admet que la somme des conventions des normalités fait minorité pour l'art, c'est-à-dire je suis mère de famille, je suis prof, je vis en province... Une situation qui fait minorité pour le milieu de l'art.
EVITER LE COMMENTAIRE
C'est par élimination que j'ai fini par appeler sculpture ce que je fais. Il n'y avait pas d'autre choix. Je ne voulais pas nommer cela « art » ou « installation ». Je trouve formidable la phrase de Boris Groys dans son livre Le Post-scriptum communiste qui dit que l'art qui ressemble à de l'art ne peut pas être de l'art. Pour moi, tout l'art du commentaire dans lequel on est actuellement m'emmerde. Beaucoup d'artistes ne font qu'interpréter et revisiter avec des petites nuances. C'est de l'art qui ressemble à de l'art et puisqu'il a déjà été de l'art, il s'en éloigne forcément. Alors, quelle est la partie de non art dans ce que je fais ? Pour les poubelles par exemple, les gens me disent que cela ressemble trop à des poubelles. Non. Elles sont des poubelles, elles ne peuvent ressembler qu'à ce qu'elles sont ; c'est ça ma garantie. Je tiens à ce qu'on les reconnaisse, c'est significatif de quelque chose qui est la poubelle et pas de l'art.
Je me suis protégée de l'art du commentaire ou du projet en utilisant très peu d'idées. Je n'ai pas de projet pour mes expositions. Je sais avec quoi je veux travailler, mais pas quelles sculptures cela va donner. J'improvise en faisant les sculptures sur place. Je découvre ainsi soixante pour cent du travail en le faisant. C'est toujours un risque, mais je ne veux pas faire autrement. Le plus difficile, c'est d'arrêter le geste avant que la pièce ne devienne une flaque, de la lave ou son propre commentaire. Cela doit rester identifiable. J'arrête avant l'informe et parfois la pièce est terminée avant d'être commencée. La sculpture doit rester forme et ne pas aller dans l'informe. J'ai tout tripoté. J'ai fait des petites terres avec des cartons, mais je me suis
aperçue que j'allais dans l'informe, dans la complaisance du geste, du « beau geste ». J'ai alors cessé car je trouvais cela trop curieux et précieux. Je voudrais refaire des petites sculptures, ce que j'appelle des sculptures de cheminée un peu venimeuses. J'en ai réalisées pendant vingt ans, mais je crains de ne pas réussir à retrouver le charme. J'aimerais qu'elles aient la force de mes grosses sculptures, mais c'est difficile car je travaille à l'échelle 1, sans réduction ni agrandissement. Or, « le petit » nous
attendrit. C'est rapidement une sculpture « doudou » à échelle 1. « Le petit », c'est vite «rien» et je me méfie de ce « rien » magnifié.
Je travaille depuis quatre ans avec deux assistants, mais je ne délègue pas. Ils sont là et j'y suis aussi. Je tourne autour de la pièce et je donne les consignes que souvent ils anticipent car on se comprend très bien. Je fonctionne sans dessin, après toutes ces années, le stock d'images est dans ma tête et les indications passent par la langue. C'est une langue très imagée et très sexuelle. Je leur dis : « Alors, vous me faites des bites ». C'est très codé, c'est le langage de l'atelier, de l'action à mener (pas celui de l'exposition). En sculpture, depuis toujours, on parle de défonce. Je préserve ma sculpture en empruntant parfois la voie du ratage. Lorsque je trouve qu'une sculpture n'est pas réussie, je la jette, mais en même temps, j'ai un peu peur de ce geste.
SE FAIRE VIOLENCE
J'ai détruit quinze ans de création, ce qui a peut être été un avantage, mais dur à vivre. La dernière sculpture porte probablement toutes les autres. J'ai manqué de « professionnalisme » en archivant très peu ou mal mon travail. Depuis quelques années, on s'en occupe à ma place. J'accepte le procédé. Parfois, j'ai l'impression que ce que je pensais avoir raté ou réussi n'est qu'un rêve, une projection fantasmatique. Si on me dit que mon art est masculin, c'est tout simplement parce qu'il n'est pas féminin.
Quand la scène artistique s'est ouverte aux femmes, elle s'est engagée avec la complicité des hommes sur la voie de l'intimité et des représentations féminines. Cet aspect ne m'intéresse pas. Mon art n'est pas masculin comme par exemple celui de Dewar & Gicquel, il ne se sert pas des attributs du masculin, des activités comme la boxe, la batterie, la pêche. Mais si on veut, on peut dire que ma sculpture est virile. La confrontation à la matière y est directe et violente. Mon grand modèle est Rodin, je trouve extraordinaire les orbites des yeux du Balzac, c'est la première grande sculpture moderne. C'est vrai qu'il y a peu de femmes sculpteurs qui se confrontent aussi violemment à la matière. Parfois j'ai envie de citer d'autres artistes que j'admire comme Bernard Réquichot ; je le contiens, mais je ne le cite pas. Ce n'est pas pareil de contenir un artiste, de le commenter, ou de le citer. Commenter implique une distance que je ne veux pas avoir, et lorsque je la perçois chez les autres ça m'ennuie profondément. C'est précisément de l'art qui ressemble à de l'art. J'essaie de faire de l'art qui sorte de l'entre-soi tout en refusant de faire quelque chose qui séduit le public, qui devienne un « procès au monde ». Ce n'est pas évident, mais cela laisse beaucoup de place à l'objet. Je ne supporte pas la énième peinture minimaliste un peu écornée. C'est un plaisir d'érudition. Quel choix possible y a-t-il en dehors de cela ? Celui de l'action politique qui positionne le spectateur, mais ça, ça ne m'intéresse pas non plus. Je suis persuadée que l'art doit contenir du politique, mais pas s'en servir. J'ai des préoccupations qui ne sont pas forcément des « opinions » sur mon époque. Je nomme souvent mes pièces a posteriori, et quand je les qualifie de « post-Tchernobyl », c'est de manière rétroactive. Maintenant, je donne des titres à mes sculptures, mais le titre a longtemps été l'objet d'une réflexion car titrer les oeuvres par un concept, c'était leur enlever beaucoup de leur qualité énergétique. C'était les
encadrer, les précéder. C'était aussi trop présent. J'ai donc évacué cela. Et puis une sculpture en donne une autre. Je me suis dit qu'un titre devait avoir la force d'un prénom. Finalement, je les ai peu à peu appelées par ce qui est l'équivalent
d'un prénom, qui n'a aucun sens s'il n'est pas porté. Elles ont d'ailleurs des titres que j'oublie la plupart du temps. Pour les plots de chantier, je prends le nom de l'entreprise que je détourne et améliore. Cela part aussi de fautes de frappe, de défauts de prononciation. Ce sont des noms de baptème, mais j'ai mis du temps à les trouver. Les poubelles sont les seules à ne pas avoir de titres car j'aime dire « les poubelles », « Tiens on ressort les vieilles poubelles ».
TRAVAILLER AVEC DES MATÉRIAUX ORDINAIRES
Je ne crée pas par série. Je dirais plutôt qu'il y a des genres sur lesquels je reviens. Depuis 1995, j'adore travailler le polystyrène qui me rappelle des matériaux pérennes comme le bronze car tu ne t'en débarrasses pas. Dans les années 90, ce n'était pas bien reçu de travailler ce genre de matériau car l'art qui circulait et se vendait, peut-être, était, paradoxalement, un art de l'éphémère qui avait les qualités de la précarité, mais avec une plus-value symbolique. Pourtant, quand on adore une pièce de Filliou faite d'un balai et d'un seau, c'est aussi précaire et mélancolique qu'un polystyrène avec des chaînes de vélo. Le vide visuel est peut-être plus difficile à saisir. Il faut donc construire un mythe autour de cela. Lors d'une exposition à Tours, un collectionneur m'a insulté en voyant mon travail. Ce jour là, j'ai compris pourquoi je faisais de la sculpture. On peut mettre n'importe quoi sur une toile, les gens ne sont quasiment pas choqués car le cadre est fixé, mais ce pauvre objet (c'étaient deux plots de chantier) que je présentais, et qui n'avait en soi aucune signification violente, ne pouvait pas être regardé car il était lui-même violent. Le tableau est toujours possible alors que la sculpture se situe plutôt du côté de l'impossible, du difficile sans
doute parce que du côté du réel. La présence du contemporain se situe selon moi dans la sculpture et j'ai toujours cherché intervenir sur la matière. Le ready-made reste à mon sens un moment de génie et comme tout moment de génie, il est inutile de le reproduire. Tous ces artistes qui refont cela aujourd'hui, c'est une plaisanterie. J'appelle cela de « l'art loisir et création ». Lorsqu'on va voir les readymade de Duchamp, on a vraiment besoin de fétichisme sinon on ne les regarde pas. On fait un petit pélerinage pour voir une relique. Et là, on se rend compte de l'ampleur du montage (celui du musée) comme quand on va voir une relique avec tout ce que cela comporte. La relecture du ready-made de Duchamp n'a donc même pas la pauvreté, l'audace de la relique. Duchamp, lui, était très juste dans ses choix. Il ne s'est pas trompé. J'ai appris avec Duchamp, mais j'ai compris avec Degas (la danseuse) qui tout de même habille un bronze excrémenteux d'un jupon de tulle. C'est en regardant des films de science-fiction comme Terminator que j'ai vu la sculpture que je faisais. Le mur de Vénilia vient de là ; c'est le passage du liquide au solide. C'est du morphing fait à la maison ! En faisant les poubelles, j'ai pensé aux Aliens. La science-fiction se situe pour moi dans la poubelle, c'est une science-fiction organique, pas technologique. Je pense que je fais une oeuvre qui se répète. Les poubelles, par exemple, j'en ferai toute ma vie. C'est un peu comme Rodin qui a fait toute sa vie les mêmes gestes avec des sujets différents. La répétition, ce n'est pas la même chose que de faire systême. Je ne pourrai jamais faire d'environnements contrairement à Jessica Stockholder qui est une artiste de la conquête. Moi, je suis une artiste du sillon, je creuse ce que je fais. J'aime la démesure et je n'aime pas les choses installées qui donnent un aspect petit-bourgeois. Je veux travailler avec des matériaux ordinaires, toujours trouvables à côté de chez soi. J'ai récemment réalisé des sculptures avec une table d'accouchement, des déambulateurs et des fauteuils roulants. Ce sont des objets qui nous laissent sur place. Ils nous sidèrent et nous obligent à nous fixer. Ils s'opposent à la fluidité, à la rapidité. Par rapport à l'unité de la sculpture, leurs mesures ergonomiques sont justes. Et puis la vieillesse, c'est probablement le prochain âge créatif et obscène. La psychanalyse, comme l'art, fait apparaître ou disparaître des diagnostics, des comportements. Lorsque je parle d'hystérie à propos de mon travail, c'est à travers des rencontres, des coïncidences intellectuelles. Je me suis demandé quelle était la figure la plus appropriée à l'art que je faisais, et l'hystérie m'a fascinée car on dit que c'est un état qui pousse hors de soi. Elle n'est plus trop évoquée aujourd'hui, mais ses anciennes représentations montrent des corps figés s'apparentant à de la pierre. C'est pour cela que j'aime faire cette analogie. Je fige de l'énergie, il faut donc que ça sorte de soi, que ce soit jubilatoire.
CHAMP DES REFERENCES ?
Mon champ de références est planté d'un cimetière avec des disparus, des fantômes et d'un supermarché. Du vivant, des morts et des esprits. Le point commun entre ces espaces est le rangement dans les allées pour le cimetière, dans les rayons pour le supermarché. Dans les disparus qui me laissent dormir en paix : une sculpture de Fontana, une danseuse de Degas avec tutu par exemple. Dans la série fantômes qui me hantent : des feutres de Morris, une boule tricotée par R. Truckel, une belle chatte de Séchas, un tableau de Mondrian avec un fond bleu "de Delft" et de l'adhésif de couleur. La rencontre de la pauvreté et de la jubilation dans l'oeuvre d'Oïticica. Manzoni fut pour moi une figure fascinante et dynamique dont j'ai cru longtemps envier l'avant-gardisme insolent que j'aurais voulu posséder comme on convoite une qualité naturelle injustement inaccessible. Je me suis aperçue, il y a peu de temps que c'était "le coton, les effets bandes Velpeau" le catholique enfantin et mauvais jouant avec les matériaux de la crèche qui m'intéressait chez Manzoni. Il fait partie désormais des disparus. Les fantômes sont des oeuvres aux contours flous des parties détachées du tout, ça peut aller de cette matière blanche légèrement rugueuse et matte de la chatte épanouie de Séchas à un rideau éclatant de F. Gonzalez Torres. Dans la série du supermarché, je me sers, je consomme sans souci de traçabilité ; des films. Bernadette Lafond et sa cabane, pute amoureuse d'un bouc dans la fiancée du pirate, la collectionneuse idéale pour une de mes série de sculptures. Teminator 2 rencontre d'une séquence et du mur de Vénilia. Alien 3 car j'ai parfois l'impression qu'au fond de mes poubelles fondues, deux lueurs me regardent et essaient de m'attendrir de leurs éclats mouillés. Un peu de ketchup, un peu de mayonnaise et du chocolat un jour ou l'autre je ferai une sculpture avec ces 3 couleurs en pensant à Mac Carty et une couverture au crochet de M. Kelley ou des draps noués à la Cattelan que je pourrais utiliser pour attacher une sculpture ... Mais au fond existe-t'il un élément invariant qui aurait traversé les années et les formes ? Je me posais cette question, penchée sur un texte que j'avais écrit, du coup j'ai recherché des notes j'ai regardé des cartons d'invitation. J'ai réfléchi à ce refus entêté de donner des titres jusqu'à supprimer le "sans titre" convenu dans ce cas. Je me suis aperçue que le mot sculpture était toujours présent répété inlassablement sans aucun souci d'élégance (jamais de synonyme pour éviter la lourdeur) ni aucun sens de l'humour ou du jeu. Je me suis mis à l'observer, comme on regarde attentivement un objet sous tous ces angles en essayant d'en découvrir la fonction. Je l'ai tout d'abord découvert manuscrit et avec mon écriture : un "S" simplifié séparé du mot , c'est tout de même le "S" de sorcière, représentation épurée du serpent (qui siffle) ensuite il y a le mot "CULPTURE" divisé (en isolant CUL) par le "P" muet de père ou de Pénis. Et si ce choix de la sculpture souvent pénible à réaliser trouvait son référent et son aboutissement dans son nom, écrit par moi-même de préférence.