Le titre de l'exposition de Benjamin Sabatier, Home Work, est tout autant le prolongement d'un projet en 2012 intitulé Hardwork ou Formwork trois ans plus tard, qu'une référence amusée à notre situation de confinement récente.
En effet, il s'agit de regarder comment, dans l'espace de l'atelier, repenser les matériaux à disposition, dans leur simplicité et dans leurs capacités, afin de remettre en jeu les principes basiques de la sculpture. En gros : « faire avec ce que l'on a » comme un principe qui s'impose, évidence de continuer à travailler lorsque tout s'arrête, désir d'intégrer l'exercice de la contrainte comme une possibilité de réflexion optimiste.
Toujours présent dans le vocabulaire plastique de Benjamin Sabatier, le béton est ici banché dans des plaques de carton modestes, sur la base de formes économes, où les ajours se récupèrent en socles, où le matériau s'optimise. L'aspect même de la surface, augmenté de cette peinture comme une patine, renforce la carnation du carton, le rend plus évident et presque plus fragile. Ainsi cette simplicité s'assume totalement et vient même surprendre dès lors que l'on comprend la minéralité de la matière.
Il s'agit aussi de penser la sculpture abstraite comme une épopée moderne, de retenir le béton comme un matériau récent de la reconstruction, celui des architectures brutalistes comme celui des grandes ambitions sculpturales. Un usage comme fondement de l'architecture d'urgence ou comme matériau ordinaire. Les formes elles-mêmes sont finalement assez basiques et s'organisent comme un découpage / collage très simple, comme s'il s'agissait de revenir aux fondamentaux du volume.
L'apport de la couleur participe aussi de cette simplicité et renforce l'aspect totémique. Ce dépôt, comme un aplat oxydé, révèle les surfaces et les tranches de ces plaques de cartons. Par ailleurs, ces couleurs, dans leurs codes, peuvent aussi renvoyer à différentes époques, que ce soit celle des sculptures cubistes où celles plus récentes des assemblages pop.
Ainsi cette série apparaît comme une étape nouvelle, où Benjamin Sabatier agglomère plusieurs éléments : sa capacité technique dans l'usage du béton, sa connaissance précise de la sculpture abstraite des années 70 à aujourd'hui, son regard sur notre confinement et son économie de la prudence où recycler devient un geste évident. Par ailleurs, ces sculptures en panneau empruntent tout autant à la série Structural Works des bois brûlés et béton dans leur présence architecturale, qu'à la série des tableaux-collages aux couleurs délavées par le ruissellement, et en ce sens peuvent être considérée comme une étape de synthèse, qui ouvre de nouvelles perspectives dans l'oeuvre de cet artiste.
Thomas Bernard