Thierry Lagalla - L'Esperança dau Suquet (The Hope of the Top)

Vernissage jeudi 22 mars de 16h à 21h.


Dans la quinzaine de toiles présentées dans l’exposition L’Esperança dau Suquet (The Hope of the Top) on y voit toutes sortes de choses : un personnage enrubanné, un cône de chantier en guise de coiffe, des tranches de mortadelle, une tête de lapin dépecée, des bottines surdimensionnées, des boîtes à chaussures pour toutes chaussures, des grilles et des grillages, un hibou défiguré et même un chapeau de bombe à chantilly posé sur une table en bois. Difficile a priori d’y déceler un motif, un sujet. « Je peins ce qui traîne dans l’atelier. » Tout s’entrecroise, se superpose dans un bric-à-brac résolument surprenant, telles les fameuses « rencontres fortuites sur une table de dissection d'une machine à coudre et d’un parapluie ».  


Mais ici le hasard n’est en rien mécanique ; la beauté n’est pas convulsive. Il faut plutôt y voir une entreprise de démystification de la peinture en partant de ses fondements, de ses origines : de la grotte au Néo-Géo (Nez au Géo, 2016), en passant par le palimpseste, l’illusion et l’auto-dérision, à l’image des auto-portraits en figures/modèles stéréotypés de l’artiste. Les multiples techniques picturales qu’il développe, créées à l’aide de pinceaux dignes d’amateur, aux poils synthétiques et rigides, lui permettent d’injecter  dans ses compositions une dose non dissimulée de nervosité. Les jeux des contraires exacerbent les illusions du regard à l’instar de Lo Trionf de la Pintura (The Triumph of Painting), 2018, tableau de petit format dans lequel l’artiste oppose un assemblage de type cubiste à un goupillon composé de frites en mousse et à une tête de chien de plage-arrière de véhicule, le tout dans l’expression peinte de l’étonnement. Dans Palhasso XII (The Clown XII), 2018, un nez de clown - dont l’étymologie germanique signifie tout autant « motte de terre » que « balourd » - intègre le cœur d’une montagne mal définie, suspendue dans l’espace. Le pittoresque et le trivial côtoient sur le même plan la mémoire de la grande peinture.

 

Cette atteinte au bon goût - qui ne signifie pas forcément la production de mauvais goût - est à comprendre comme une critique de toute croyance esthétique. Si les titres de ses œuvres sont parfois rédigés en Nissart (langue occitane) et souvent traduits en anglais (langue désormais universelle) c’est pour justement lutter contre toute tentative d’uniformisation, à commencer par celle du langage. Pourtant, cette absence de style affirmée en style – tel que le revendiquait en son temps Martin Kippenberger - n’empêche en aucun cas la reconnaissance d’une esthétique propre à Lagalla. Le burlesque est véritablement chez lui cet art de la chute, du glissement et du rebond, profondément métaphysique et critique de nos modes d’existence. Ses œuvres fonctionnent dans la plupart du temps comme des vanités, mais des vanités contemporaines. Sous le frivole, l’insignifiant ou l’illusoire se cache une conception du monde à l’ontologie plate, tout en révélant des univers disjoints, comme l’est tout ce qui nous entoure, comme l’est la vraie vie.

 

Eric Mangion, 2018


Exposition en collaboration avec la galerie La Mauvaise Réputation, Bordeaux et Espace A VENDRE, Nice.