Il y a presque 30 ans que la NASA lance les Voyager 1 et 2. Les deux sondes sont initialement conçues pour explorer Jupiter et Saturne ainsi que leurs satellites respectifs. La NASA place aussi à bord des Voyager 1 et 2 un message : une capsule de temps dont l'ambition consiste à communiquer l'histoire de notre monde à des extraterrestres. Le message a été enregistré sur un disque en cuivre plaqué or d'un diamètre d'environ 30 centimètres. Il comprend des images et des sons qui ont été sélectionnés pour refléter la diversité de la vie et de la culture sur notre planète : des grondements de volcans, de tremblements de terre, de tonnerres, les aboiements d'un chien, la voix d'un chimpanzé... et aussi des salutations à l'univers en 55 langues, et des musiques comme des sons de tambours du Sénégal, Jean-Sébastien Bach par Glenn Gould, une chanson de la Nouvelle-Guinée, un blues joué par Louis Armstrong, une aria de Mozart chantée par Edda Moser, une chanson de rock'n'roll interprétée par Chuck Berry.
Au cours des prochaines années ces vaisseaux vont quitter notre système solaire et se trouveront alors dans l'espace vide. Quarante mille ans passeront avant qu'ils ne soient proches d'un autre système planétaire. Selon Carl Sagan, chef du comité qui a choisi le matériel pour le disque, « les sondes ne seront interceptées et leurs disques joués que s'il existe des civilisations avancées et capables de communiquer. Mais le lancement de cette bouteille dans l'océan cosmique dit quelque chose d'assez optimiste de la vie sur cette planète ».
Moi-même, j'ai souvent réfléchi sur la nature des messages que Voyager 1 et 2 amènent dans l'espace. Que je sache, ils ne comportent aucune image ni aucun son susceptibles de refléter d'autres réalisations de notre monde : le nuage atomique, les horreurs de la guerre, l'exploitation et la destruction de notre planète, les armes sophistiquées, la discrimination raciale, certains effets des convictions religieuses.
Certains travaux de cette exposition sont inspirés, directement ou indirectement, par l'idée que les réalisations comme celles choisies pour le message des sondes, sont considérées comme « universelles » et « durables ». Les oeuvres partageant le même début de titre « Une certaine idée de..." » sont imprégnées par un sentiment général de fatalisme. Celui-ci renvoie à une sorte de fragilité qui altère la croyance en ce que nous sommes, en ce que nous pouvons être, ce que nous sommes contraints d'être, ce que nous n'avons jamais voulu devenir. Ces travaux sont inspirés du sentiment que nos valeurs sont instables et contingentes. Dans notre culture pop, nous tendons à vénérer certaines réalisations artistiques. Nous ressentons que chacune de ces soi-disant réalisations découle vraisemblablement d'un besoin auquel il a été permis de se développer durant une période donnée.
Et si nous acceptions la vulnérabilité de ces réalisations comme point de départ pour réfléchir sur la manière dont l'homme invisible, l'homme que nous voyons dans la rue, laisse sa trace . J'aime penser que ces oeuvres incitent les spectateurs à réfléchir sur cette fragilité. Ceci pourrait mener à reconsidérer notre place dans la société, notre relation tangible et abstraite avec les autres.
Nous nous posons mutuellement la question qu'aimons-nous, en quoi croyons-nous et nous nous demandons mutuellement ce que nous savons. Est-ce que je te connais ? Je crois que je te connais. Je le crois. Le contraire peut également être vrai.
Vittorio Santoro
Paris, September 2006
Traduit de l?anglais par Sebastian Lohse