Et quoi ? On va à son vernissage de santé, naïvement, en espérant y croiser quelques amis. Et on se retrouve comme un Mickey pris par une banale tapette à souris. Comme quand on avait vu l'installation de Lavier à partir des vignettes de Mickey justement. On aurait aussi l'impression de devenir le spectateur d'un ersatz d'art contemporain. De celui dont se servent des publicitaires sans vergogne pour vendre des lunettes ou des voitures ou on ne sait quoi. De l'art contemporain pour bobos, de l'art de bon ton, juste ce qu'il faut de provocation, d'abstrait, pour partir en vrille. Uniquement des monochromes noirs. Des coulures de laque brillante et opaque sur des formats 16/9ème. Par terre, des exemplaires d'un feuillet chargé d'aphorismes et d'illustrations ésotériques.
Alors, même à moitié broyé par la tapette, on joue son rôle de Mickey? On se transformerait en personnage de publicité. C'est très sensible, c'est cynique, c'est le fin du fin, le mûr, on se voit dedans, l'exclusion du discours par un trop-plein de références, bref : du gâteau à la crème pour tout le monde.
Pendant ce temps, il paraît que la pauvre Constance Mayer s'est ouverte la gorge et que son ami Prud'hon est inconsolable. Le titre de la présentation appelle le tragique.
Pourtant le monochrome résiste, agréable au regard il n'exprime rien, il passe plutôt nonchalamment sous nos aboiements, avec désinvolture. Un motif à discussions interminables.
En effet, on se demande si on a pas affaire à ce type d'imposture qui fait jouir de l'art. L'ensemble pourrait être authentiquement moderne, et qu'un artiste s'accapare seul l'espace d'une galerie, avec l'outrecuidance du manifeste, ravit toujours.
Alors on est retourné dans l'exposition pour voir si, encore une fois, on ne s'était pas laissé prendre dans son rôle d'arpenteur de vernissages que l'exposition aurait exacerbé.
Le verdict approche. Il y a bien un refus du discours, un choix des formes imposantes, des références à des légendes inconnues, un piège tendu. Mais ses appâts sont ingérés, ses modes de fonctionnement sont répertoriés et l'ensemble tombe, nous tombe dessus. Les monochromes ne le sont pas complètement, le texte du carton est fumeux et trop elliptique pour être littéraire ou argumentatif, les références de la publication font plus penser qu'un moteur de recherche s'est emballé qu'à un enchaînement de linguiste. Mais parce que l'exposition nous emmène dans son sillage, le doute persiste à ne pas croire en une entière fumisterie sadique.
On n'est pas dans du post-post, on est dans du post au carré, de l'hyper-post, où il n'y a plus de croyance en un quelconque renouvellement, mais simplement dans l'utilisation virtuose et la mise en bouillie des réflexes et des références. Le noir n'est plus seulement la couleur du sang séché de Constance Mayer, c'est celle de la bile du cynique qui n'a pas d'autre solution que de se constater cynique, ou la bile du spectateur lui-même.
Le geste devient simple et clair, justement valide parce qu'il crée de l'opacité.
Et Benoît Maire nous englue à notre environnement fictionnel.
Damien Airault