Le travail d'Andreas Fogarasi s'intéresse à la représentation de l'espace public, du pouvoir et de l'identité dans ce dernier. Il révèle comment un gouvernement définit et régule les comportements à l'intérieur de son territoire, de façon dissimulée. Ce processus critique impose un discours qui érode les conventions et idées préconçues à ce sujet. Il peut alors reconstruire, re-assembler, associer et répéter ces éléments à un point où ses oeuvres minimales interrogent notre environnement et nos modes de comportement, nous interpellant sur l'inévitable question des libertés civiles.
L'oeuvre principale présentée à l'Armory Show, intitulée Constructing / Dismantling, (2010), est une installation composée de trois films projetés sur écrans vidéo, tournés à Santiago de Compostelle au nord ouest de l'Espagne. Cette ville est une destination importante pour les pèlerins. Aboutissement du chemin de Saint-Jean, Santiago s'enorgueillit d'un grand nombre d'églises, de couvents et de repères historiques.
Actuellement, un grand complexe culturel est en construction sur une colline à l'extérieur du centre ville. Dessinée par l'architecte Peter Eisenman, cette « Cité de la Culture » hébergera une librairie, des archives, une salle d'opéra, un musée et un centre d'art. Ce projet spectaculaire a été l'objet d'un débat animé en raison de son immensité, de sa position géographique proéminente mais aussi à cause de frictions tant politiques qu'économiques. Tout cela laisse supposer que le projet ne sera pas aussi achevé que prévu. Une des trois vidéos examine la relation entre le projet d'Eisenman et la ville, en filmant le long du site de construction, la vallée qui le sépare due centre historique, le paysage qui entoure le futur complexe culturel. La deuxième vidéo montre un parc forain à Santiago, architecture temporaire dédiée au divertissement et à la célébration, filmée en plein démontage. Le troisième et dernier film se concentre sur le détail d'un large parterre au motif floral sur la place principale de Santiago. Il s'agit du nombre « 2010 », balayé par un agent de nettoyage. Seul reste sur les pavés le contour des chiffres écrits à la craie, qui se reconstituent par un effet de retour arrière de la vidéo, dans une boucle sans fin.
Placemark est un monument en marbre à petite échelle, qui fonctionne comme un marqueur, de la même façon qu'un repère dans une ville, imitant avec ironie le procédé par lequel un gouvernement créé son assise, la maintient et la légitimise.
Villes est une série composée de 12 dessins au crayon d'une police de caractère identifiable. Cette série interroge le fait que les industries du secteur public suivent désormais l'exemple des multinationales, en concurrence pour la localisation de leur implantation géographique comme image de marque, utilisant des slogans qui identifient et affirment leur pouvoir sur un territoire.
Ny, Ny, installation au sol, fait référence au logo de la ville de New York, dessiné par le graphiste américain Herb Lubalin en 1966. Ce logo est cassé en de multiples formes géométriques, éparpillées en une composition désorientée qui le déshérite de son rôle originel identificatoire, le détournant en une série d'espaces dépossédés.
Bien que son langage soit confiné dans les codes du Minimalisme, les oeuvres d'Andreas Fogarasi n'en sont pas moins des propositions chargées d'une éthique complexe : soi-disant inoffensives, discrètes et silencieuses au premier abord, ses oeuvres ne le sont certainement pas. Après un examen plus poussé, on remarque que leur simplicité est déséquilibrée et qu'elle sont en fait en train de vous crier des questions inconfortables, adressant le discours embarrassant de la liberté.
Ses oeuvres ont une esthétique paradoxalement structurée et rebelle à la fois. Elles nous forcent à re-examiner nos perceptions et nos interprétations pour nous faire finalement reconnaître nos désillusions, et c'est là que la pleine force de ses arguments apparaît. Ses oeuvres ont un côté sombre sous-jacent, une nature intrinsèquement subversive, des loups déguisés en agneaux.